Le pouvoir de l'éducation des adultes au Kenya

Avant qu'Elizabeth (55 ans) ne s'engage dans l'éducation des adultes, sa vie était typique de celle de nombreuses femmes des zones rurales du Kenya. Elle était femme au foyer dans le comté de West Pokot et passait la majorité de son temps à s'occuper de ses enfants.

Même lorsqu'elle était enfant, il était difficile pour Elizabeth d'imaginer un avenir différent. Elle a passé la majeure partie de son enfance à s'occuper du bétail en attendant de se marier.

Tout n'a pas été rose pour Elizabeth. En tant que femme, elle devait assumer les tâches ménagères, s'occuper des enfants et du bétail, ce qui ne lui permettait pas de trouver le temps de suivre des cours pour adultes. Souvent, elle devait attendre que ses enfants rentrent de l'école et qu'ils puissent s'occuper du bétail avant de se rendre à ses cours.

Ceux qui voient Elizabeth lire la Bible à l'église ou mener ses affaires sur le marché s'arrêtent souvent pour lui demander comment ils peuvent faire de même.

"Ma vie a changé. Je sais maintenant lire le bulletin scolaire de mon enfant. Je peux désormais savoir si mon enfant a eu de bons ou de mauvais résultats à l'école. Lorsque je suis à l'église et que le pasteur nous dit d'ouvrir la Bible à un chapitre et un verset, je peux à présent ouvrir la Bible et la lire par moi-même".

En conséquence, plusieurs femmes se sont inscrites à des cours d'éducation des adultes avec Elizabeth pour apprendre à lire et à écrire le kiswahili et créer leur propre entreprise.

Pour Simon (46 ans), l'enseignant d'Elizabeth, voir la transformation de ses élèves entre le moment où ils commencent l'apprentissage pour adultes et celui où ils le terminent est la partie la plus gratifiante de son travail.

Mais l'effet de l'éducation des adultes sur la communauté au sens large est tout aussi important. La pauvreté diminue, le niveau de vie des apprenants augmente et ils deviennent des membres actifs de leur communauté. L'ouest du Pokot connaît des niveaux élevés de mutilation génitale féminine et de violence liée au genre. Les personnes qui suivent des cours pour adultes sont plus susceptibles de à se soustraire à ces pratiques.

Le parcours de Simon vers l'enseignement est tout sauf ordinaire. Il a commencé sa carrière comme athlète, représentant le Kenya en tant que coureur de fond, participant à des courses dans le monde entier. Il a constaté que de nombreux autres athlètes kényans étaient incapables de calculer le salaire qu'ils recevaient de leurs managers ou de déterminer s'ils étaient sous-payés.

Après l'entraînement, Simon leur enseignait les mathématiques. Au fil du temps, il a également commencé à enseigner les bases de l'anglais afin que ses camarades athlètes puissent se rendre dans les villes et sur les marchés pour acheter des marchandises. Depuis, Simon n'a jamais regardé en arrière. Il est un éducateur d'adultes dévoué depuis plus de 15 ans.

Au Kenya, les inscriptions aux cours d'alphabétisation pour adultes parmi les groupes minoritaires ont augmentées grâce à un partenariat renforcé avec le gouvernement du comté de West Pokot, qui a mobilisé 330 éducateurs d'adultes communautaires. La mobilisation intensive des apprenants par la Kenya Adult Learners Association (KALA) a également contribué à améliorer la participation à l'apprentissage des adultes.

Les statistiques de 2019 indiquent un taux d'analphabétisme de 68,2 % dans la région du Pokot occidental, les femmes représentant la majorité des personnes dépourvues de compétences en la matière. Le gouvernement du comté vise à réduire ce chiffre de moitié d'ici à 2022, pour finalement le ramener à zéro.

Cependant, les défis persistent. Le manque de financement ainsi que les perturbations et les effets de la COVID-19 ont entraîné une baisse du nombre d'éducateurs disponibles, ce qui ne laisse que 330 éducateurs d'adultes pour 7 200 apprenants adultes. Comme le note Simon : Nous luttons contre vents et marées.

Ces défis incitent Simon à travailler encore plus dur pour recruter des apprenants et des éducateurs pour le programme. Les chefs des communautés locales persuadent les adultes de suivre les cours, tout comme les anciens élèves du programme qui peuvent témoigner de ses bienfaits transformateurs.Pour Simon, ces avantages se traduisent par la possibilité d'apprendre à quelqu'un à lire un livre, à faire fonctionner un téléphone ou à faire pousser ses propres légumes. Selon lui, ce sont les petites choses qui ont le plus grand impact.

Les développements en matière d'apprentissage et d'éducation des adultes dans le comté de West Pokot sont présentés dans le cinquième Rapport mondial sur l'apprentissage et l'éducation des adultes (GRALE 5), lancé le15 juin 2022 lors de la septième Conférence internationale sur l'éducation des adultes (CONFINTEA VII) à Marrakech, au Royaume du Maroc.

GRALE 5 combine des données d'enquête, une analyse des politiques et des études de cas pour fournir aux décideurs, aux chercheurs et aux praticiens une image actualisée de la situation de l'apprentissage et de l'éducation des adultes dans les États membres de l'UNESCO.